On entend par plasticité la faculté qu’ont certaines matières molles de prendre sous la main de l’ouvrier toutes les formes qu’il veut produire (Al. Brongniart, Arts céram., t.1, 1844, p.81).

Le pouvoir d’achat, les niveaux de patrimoines des français, la valeurs des actifs qui les composent ne seraient-ils pas des matières plastiques prenant forme sous les mains des dirigeants politiques ?

En tout cas, c’est ainsi que nos élus voient les choses. Par exemple :

  • ils réduisent les dépenses de l’État, donc la dette, ainsi les taux d’emprunt français baissent et notre monnaie grimpe, ce qui nous rend plus riches ;
  • notre balance commerciale est déficitaire, aussi ils augmentent le taux de TVA et taxent donc plus les produits étrangers que français. Et ils affectent les recettes en réduction des charges salariales et ça fait baisser le coût des produits français qui deviennent plus compétitifs à l’étranger ;
  • ils réduisent la fiscalité sur l’immobilier, la pierre coûte moins chère et les français peuvent plus facilement accéder à la propriété (et accessoirement, ils gagnent des voix d’électeurs !).

 

Le problème est que la matière économique est extrêmement résistante à la main de l’ouvrier politique !

 

Certes en réduisant les dépenses de l’État, on s’enrichit.

C’est comme si nous, particuliers, on arrêtait de prendre des vacances, de sortir au restaurant… On va rapidement, économiser, épargner, rembourser nos emprunts, s’enrichir, placer notre argent ainsi économisé et ainsi investir dans l’économie.
Mais ce serait oublier nos voyagistes, hôteliers, saisonniers et restaurateurs à qui notre argent va cruellement faire défaut.
Ceux-ci vont finir par s’appauvrir, ne plus pouvoir payer leur loyer, réduire leur consommation, ce qui va réduire l’activité économique en général et ainsi le rendement de mes économies investies. De plus, comme ils vont finir au chômage, il va falloir que l’État subvienne à leurs besoins, ce qui alourdira ses dépenses. Celles-ci devront être compensées par des recettes provenant de l’augmentation de la fiscalité sur les économies que je viens de réaliser (sur mes plus-values) et sur ma consommation (la TVA).

Ainsi, la boucle est bouclée et le plus grave dans l’histoire est que si on retire la question de l’argent pour mener ce raisonnement, on se retrouve avec d’un côté des restaurateurs sans travail et de l’autre des gens qui travaillent à leur place en cuisinant à la maison. Pour les vacances, le raisonnement est le même : tout le monde reste à la maison !

En conclusion, l’État assainit son budget tout en contractant l’économie du pays. Aussi, l’un dans l’autre, les investisseurs en emprunts d’État français ne sont pas plus rassurés par le chômage qui explose et les taux ne baissent pas pour autant. Dommage !

 

Concernant l’augmentation de la TVA, appelée aujourd’hui « TVA sociale », on retrouve le même genre d’effets secondaires.

Le raisonnement initial est louable : on taxe plus fort tout ce qu’on consomme et comme on consomme plus de produits étrangers que de produits locaux, ce sont les économies étrangères qui contribuent le plus. De plus, ces recettes fiscales nous permettent de réduire d’autres recettes ailleurs, en particuliers les charges sociales et donc nos entreprises deviennent plus performantes et plus concurrentielles.

Cependant, l’entrepreneur peut aussi faire d’autres choix que de baisser ses prix. On la vu en 2009, avec la baisse de la TVA sur la restauration. Les prix des menus ont peu bougé, les français ne se sont pas plus rendus au restaurant et les embauches dans le secteur ont été ridicules. Au final, les restaurateurs se sont légèrement enrichis, l’État appauvri et les français n’ont pas plus travaillé et mieux mangé !

Peut-être qu’au mieux les restaurateurs enrichis on alimenté en retour l’économie, mais ils ont tout aussi bien choisi d’épargner ou pire de consommer des produits étrangers !

Concernant les importations, les raisonnements sont aussi délicats. Est-ce qu’un de nos dirigeants nous a annoncé le volume de TVA collecté sur les importations ? Je ne crois pas. Le débat est actuellement ailleurs. Et pour ma part, je crains que ce ne soit pas extraordinaire. Il suffit que la société importatrice ne soit pas sur le territoire français pour que la marge soit réalisée ailleurs et la TVA échappe à la France. De plus ça risque d’accélérer les délocalisations de sociétés d’importation. Le problème étant avant celui du chômage, celui des gains qui ne bénéficieront pas à notre économie.

 

Notre dernier exemple est l’immobilier. Il est facile de croire qu’en réduisant la fiscalité de l’immobilier on fera baisser le prix. En réalité, l’immobilier est un marché presque parfait d’offre et de demande. Les prix sont fixés par la volonté des acheteurs à acquérir des biens et celles de vendeurs à les céder.

Quand on vit une période de défiance envers les autres actifs financiers, comme depuis une douzaine d’années, tout le monde veut de la pierre et quels que soientt les prix du marché et les rendements de l’investissement, ça grimpent !

Les interventions de nos dirigeants font pale figure à côté de la volonté des français.
Et même quand on croit que tout est fini et que le marché va s’effondrer, faute du soutien des banques pour prêter aux acheteurs, le marché résiste. En effet, tant qu’il a de l’argent quelque part, le français peut concrétiser ses envies de pierre. Et l’argent, il en a encore 1 400 md€ sur ses assurances vie !
Le petit problème est que cet argent est au final fortement investi en emprunt d’État européen et français. Et ce phénomène peut se résumer ainsi : le français retire son soutien à l’État pour l’investir dans la pierre.

Je vous laisse deviner la solution qui s’offre à l’État : augmenter la fiscalité sur l’immobilier.

Et c’est ce qui s’est passé cet été. Cependant, le jour où le français en aura marre et qu’il découvrira qu’il y aussi d’autres actifs que la pierre qui rapportent, il changera peut-être d’avis. Et là, si les prix baissent, il y aura beaucoup moins d’argent à récupérer que celui qui a été investi. Au final, l’État fera ce qu’il faut pour honorer ses dettes (bonds du trésor), et c’est le particulier qui passera à la caisse.

Et si le français résiste ou n’en peut plus, comme le grec actuellement, il devra tout de même régler l’addition, sinon le pays sera au ban des économies mondialisées, le pétrole en monnaie locale sera hors de prix, les sources de financement de l’économie seront fermées.

 

En définitive, nos dirigeants auront beau prendre toutes les décisions fiscales et sociales qu’ils voudront, l’économie s’adaptera aux paramètres réels, c’est à dire au final, ce dont dispose réellement les citoyens et leur volonté.

L’ensemble de la société continuera à consommer trop de produits étrangers et à s’appauvrir.

Les plus aisés à épargner et investir là où il y a de la croissance, c’est à dire pas en Europe.

Et pour analyser sans artifices, il me semble intéressant à nouveau de raisonner sans argent.

Notre atout principal repose sur nos connaissances et donc notre système éducatif ; en second lieu, sur le patrimoine dont on dispose déjà sur notre territoire : logements parisiens, infrastructures de transport, hôpitaux, Triple A (oubliez ce dernier !)…

Nos défauts sont notre manque de matières premières et notre incapacité à mettre le plus grand nombre de nos citoyens au travail.

Au final, quand on fait la balance, on obtient un défaut récurent depuis bientôt quarante ans, qui se traduit par une balance commerciale déficitaire et à présent une dette presque impossible à rembourser.

 

Quel que soit l’homme politique qui prendra le pouvoir en mai, il aura beau taper avec son marteau pour modeler la société et l’économie selon son désir, celle-ci résistera et surtout, la matière n’augmentera pas de taille.
Elle aura même tendance et se réduire en rébellion face aux assauts du marteau. Celui-ci devenant trop pressant, il crée une instabilité et une inflation juridique qui augmente la charge de travail de la société et fait fuir les investisseurs. L’entrepreneur a de plus en plus de mal à entreprendre et le fonctionnaire à de moins en moins la capacité à absorber les changements et à faire appliquer les règles voulues par nos dirigeants.

Ce travail ne produit rien de neuf pour la société et surtout d’exportable à l’étranger. En attendant, le travail qui devrait bénéficier à notre société, éducation et biens exportables, est orienté vers un travail inutile.

Plus nos dirigeants s’agiteront, plus nous gaspillerons notre temps et donc notre argent.